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Les outils de Jean-Henri Riesener

L’ébéniste du roi

Le célèbre ébéniste de la reine Marie-Antoinette fut baptisé à Gladbeck, une ville de la région de Westphalie en Allemagne, le 11 juillet 1734 en l’église Saint Lamberti. Le 4 juillet 1734, jour habituellement donné pour sa naissance, reste purement hypothétique ; d’ailleurs, Léon Riesener déclarait que son grand-père était né le 11 juillet 1734. Après son arrivée en France, Jean-Henri Riesener entra au service de Jean-François Oeben dont il reprit l’atelier à sa mort en 1763. Quelques années plus tard, en 1767, il épousa Françoise Marguerite Vandercruse la veuve de Jean-François Oeben. Il fut reçu maître dans la communauté des menuisiers-ébénistes de Paris le 20 avril 1768 et obtint ses lettres de maîtrise le 5 juillet 1768 après avoir prêté serment devant le procureur du roi au Châtelet. Étonnamment, les registres indiquent qu’il fut reçu comme fils de maître ; le greffier aura certainement fait une erreur car il aurait dû, logiquement, être reçu comme ayant épousé la veuve d’un maître, conditionnant ainsi les modalités et le montant de ses droits de réception. Dès lors, il eut la brillante carrière que nous lui connaissons comme ébéniste du roi et de la reine, produisant parmi les plus beaux meubles du XVIIIe siècle.

Ses ouvrages ont traversé le temps, toujours visibles dans les plus grands musées et les plus belles collections du monde. Mais que reste-t-il de l’artisan, du fabricant de meubles ? Les descendants de Jean-Henri Riesener nous ont transmis un précieux témoignage au travers de quelques-uns de ses outils dont un étau d’ébéniste destiné aux travaux de serrurerie pour les meubles.

La modélisation et l’animation ont été effectuées par ExploVision. La version interactive est accessible en cliquant sur ce lien.

Le leg des outils de Jean-Henri Riesener

Le mobilier produit par le talentueux ébéniste a été étudié à de nombreuses reprises. Toutefois, personne ne s’était encore intéressé aux outils que lui et ses confrères utilisaient pour la fabrication de ces meubles. En 1954, du 7 avril au 15 mai, la Galerie des Beaux-Arts organisait une exposition sur les Trois Riesener, Jean-Henri, son fils Henri-François et son petit-fils Léon Riesener peintre comme son père. Le numéro 9 des objets exposés était ainsi décrit dans le catalogue :

Trois outils – Etau, marteau et petite hache ayant appartenu à l’ébéniste Jean-Henri Riesener.

Ainsi, les descendants de l’ébénistes avaient gardé, symboliquement, trois de ses outils. Il y a quelques années, Jean Bergeret, ancien conservateur du musée d’Art et d’Histoire de Lisieux et du Château de Saint-Germain-de-Livet, nous avait appris que ces outils étaient conservés au musée des Arts et Métiers, et nous le remercions une nouvelle fois pour cette information. Ces trois outils, mais aussi une épée, furent légués au musée par Augusta Marceline Bodin épouse de Julien Pillaut, fils de Léon Pillaut et de Rosalie Riesener l’une des trois filles de Léon Riesener. Ces quatre objets entrèrent dans les collections du musée en 1963, près de cinq ans après le décès de Mme Pillaut le 6 octobre 1958, sous les numéros d’inventaire suivants :

  • 21260 : Étau de l’ébéniste Jean-Henri Riesener
  • 21261 : Hachette de l’ébéniste Jean-Henri Riesener
  • 21262 : Marteau de l’ébéniste Jean-Henri Riesener
  • 21263 : Épée de l’ébéniste Jean-Henri Riesener

Par l’intermédiaire de Jean-François Belhoste, directeur d’études émérite à l’École Pratique des Hautes Etudes, nous avons pu rencontrer Anne-Laure Carré, responsable de collections au Musée des Arts et Métiers, qui nous a aimablement laissé étudier l’un de ces outils, l’étau de Jean-Henri Riesener. Nous leur adressons, à tous les deux, nous remerciements.

L’étau de Jean-Henri Riesener

Dans son contrat de mariage avec Françoise Marguerite Vandercruse, daté du 6 août 1767, l’état général des effets de la veuve Oeben indiquait :

Les ustensils de serrurerie et du monteur, tant en étaux que limes et autres outils.

Aucun doute sur l’utilisation d’un étau par Jean-Henri Riesener. L’usage des étaux par les ébénistes fut de surcroît décrit en détails par André Jacob Roubo dans son ouvrage L’Art du menuisier ébéniste : 

Les outils de serrurerie à l’usage des ébénistes, sont les étaux de toutes sortes, les limes, les outils propres à percer le fer ou le cuivre, tels que les forets, les tourets, les drilles ou trépans, &c.

Les planches illustrées de l’ouvrage nous permettent aujourd’hui de qualifier l’outil de Jean-Henri Riesener comme un étau à patte, illustré par l’auteur figure 9 de la planche 317. Les étaux à patte n’étaient pas réservés aux ébénistes, ils étaient aussi employés par les serruriers, les couteliers ou encore les tourneurs mécaniciens.

Mais ce sont les tourneurs mécaniciens qui nous donnent le plus de précisions sur la conception d’un tel outil. Hulot père, dans L’Art du tourneur mécanicien, nous apprend aussi que ces étaux s’achetaient chez les quincailliers :

On vend chez les quincailliers des étaux communs, qui sont aussi sans pied, comme celui-ci, & qu’on nomme des étaux à pattes. Il y en a de gros & de petits, tels que ceux dont les horlogers se servent : leur nom vient de ce qu’ils ont une patte de fer qui tient au corps de l’étau, soit au dessus, soit au dessous de la boite de la vis ; cette patte repose sur l’établi, & au dessous il y a une vis pour embrasser l’établi, & l’affermir à peu-près comme il vient d’être dit.

Etau à patte de tourneur mécanicien.
L’art du tourneur mécanicien par Hulot Père – 1775 – Planche 7 – Fig. 4

Cet étau, utilisé pour parfaire des bronzes comme les entrées de serrure destinées aux meubles, constitue un témoignage émouvant de la panoplie des outils indispensables aux ébénistes pour fabriquer ces objets d’art parvenus jusqu’à nous. Pour se rapprocher encore plus près de l’objet, l’étau a été numérisé. Vous pouvez le manipuler virtuellement, apprendre les noms et fonctions de chacune de ses pièces, grâce au modèle 3D interactif.

La modélisation et l’animation ont été effectuées par ExploVision. La version interactive est accessible en cliquant sur ce lien.

Pour rester dans le thème de Sièges Français, nous ne pouvions pas passer à côté de la production de sièges du maître dont certains étaient décorés de bronzes dorés sans aucun doute ajustés avec un étau à patte.

Les sièges de Jean-Henri Riesener

Jean-Henri Riesener produisit principalement des meubles d’ébénisterie, et en dehors de chaises d’aisance régulièrement livrées au garde meuble royal, il semble tout de même être à l’origine de quelques sièges. En 2022, une paire de chaises passait en vente publique avec la particularité d’avoir une bonne estampille de Jean-Henri Riesener sur laquelle était frappée celle de Louis Moreau. Louis Moreau fut-il le revendeur de ces chaises fabriquées par Jean-Henri Riesener ?

Paire de chaises estampillées J.H.RIESENER et L.MOREAU.
Crédit photo : © Tabutin Enchères
Estampille L.MOREAU frappée sur J.H.RIESENER.
Crédit photo : © Tabutin Enchères

Un autre siège fut vendu aux enchères en 2014, présenté comme un tabouret, il s’agissait d’un fauteuil de bureau à assise tournante transformé. Là aussi l’estampille du maître était bonne.

Fauteuil de bureau à assise tournante, transformé en tabouret, estampillé J.H.RIESENER
Crédit photo : © Rieunier & Associés
Estampille J.H.RIESENER du fauteuil de bureau
Crédit photo : © Eric Detoisien

Philippe Dechenaux, Eric Detoisien