« L’un des sujets insignes » [1] des menuisiers de la rue de Cléry à Paris, Jean Baptiste Boulard (né à Paris (?) entre 1731 et 1735 (?) – mort à Paris le 28 mars 1789) accède à la maîtrise le 8 février 1755 ; il utilisera deux fers, ce que Salverte avait relevé, le second, aux lettre un peu plus grandes et au jambage du « J » un peu décalé, qui semble paradoxalement un peu plus archaïque, étant essentiellement relevé sur les productions que nous qualifions de « Louis XVI ». Il est le fils de Michel Boulard, « compagnon menuisier » et de Marie Louise Giroux. De son mariage (20 avril 1755) avec Marie Louise Gillet, naîtront quatre enfants, dont Benoît François, né le 17 août 1766, qui poursuivra l’atelier paternel sous une forme un peu différente, du fait de l’abolition des corporations.
L’œuvre de J.B. Boulard, qui travaillera dans un « Louis XV assagi » et qui saura donner quelques séduisants modèles lors de la période dite de « Transition » connaît son apogée sous le règne de Louis XVI. Si actuellement l’origine de son apprentissage reste à découvrir, on sait qu’il développa une brillante clientèle privée avant d’être appelé, en 1775, par les Menus, pour le « Dais du Trône du Roi Louis XVI pour son sacre à Reims » (A.N. O1 3123 f° 11, 4e chapitre) ; il semble qu’à partir de là, sa carrière ait été ascendante, parfois pour le service des Menus, surtout pour celui du Garde-Meuble de la Couronne, qu’il servira sans interruption de 1778 jusqu’à sa mort, l’atelier étant poursuivi par son fils et sa veuve jusqu’à la chute de la monarchie. Il faut toutefois rappeler sa brève association avec Marie Catherine Roussel, veuve en 1776 du menuisier Louis Quinibert Foliot.
Sous l’impulsion de Calonne, contrôleur général des Finances à l’automne de 1783, la politique de renouvellement de l’ameublement des maisons royales sera orchestrée par Thierry de Ville d’Avray, commissaire général du Garde-Meuble de la Couronne à partir d’août 1783 ; Boulard en sera l’un des premiers bénéficiaires et les commandes afflueront pour les principales résidences de la monarchie, Versailles, Compiègne, Fontainebleau, sans omettre Paris et ses administrations, le service de Mesdames à Bellevue ou encore celui de Madame Elisabeth à Montreuil.
« La richesse n’est pas chose facile », selon le joli mot de Pierre Verlet [2] ; Boulard saura toujours produire des menuiseries répondant au rang de ses commanditaires, sans affèterie excessive, mais en privilégiant une vraie justesse des proportions, des gabarits amples, un travail de moulure d’une haute qualité.
Des meubles moulurés peuvent présenter, dans leur dépouillement, une perfection racée, une sorte de schéma du style qui leur donne à la fois une élégance et un intérêt considérables ; ils peuvent être d’aussi grands personnages dans un habit plus simple [3]
Boulard atteint là à une sorte d’intemporalité, qui permet encore à ses productions de séduire nos yeux et de répondre à nos exigences de solidité et de confort, plus de deux-cents après leur création.
Laurent Condamy
[1] Janneau, 1967.
[2] Verlet, 1945-1955, réédition 1990-1992, Paris, Picard, tome IV, notice 47.
[3] Verlet, 1956, tome I, Menuiserie, p.1.
Crédit photo : © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Franck Raux